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Pilotage intelligent de la recharge : un enjeu clé pour le réseau électrique


Publié le 22 Juillet 2022



Alors que de fortes contraintes pèsent sur le réseau électrique et que les consommateurs cherchent à réduire leur facture d’énergie, le pilotage intelligent de la recharge des véhicules électriques apparaît comme une réelle opportunité pour lisser les pics de consommation sur le réseau et permettre à l’utilisateur de se recharger au meilleur coût. Régis Le Drézen, délégué général de Think Smartgrids, qui fédère la filière française des réseaux électriques intelligents, s’est exprimé lors d’une émission de Mobility TV sur l’intégration du véhicule électrique au réseau, aux côtés de Qovoltis, Enedis et Mobileese.

Pour le gestionnaire de réseau Enedis, anticiper l’arrivée de millions de véhicules électriques qui viendront se brancher sur son réseau est un enjeu essentiel. Giovanni Mattarolo, chef de projet mobilité électrique chez Enedis, estime qu’il faudra un pilotage de la recharge beaucoup plus fin qu’une simple recharge en heure creuse la nuit. Enedis teste ainsi différents scenarios de pilotage intelligent pour vérifier la viabilité des différentes solutions techniques, comme la synchronisation de la recharge avec la production photovoltaïque.

Le smart charging permet en effet à la batterie d’un véhicule de se recharger en dehors des pics de consommation sur le réseau électrique, et lorsque l’énergie est la moins « carbonée ». En complément de cette recharge intelligente, Régis Le Drézen évoque le vehicle-to-grid, ou V2G, qui permet de réinjecter l’énergie contenue dans la batterie vers le réseau. Le principe peut aussi s’appliquer pour alimenter une maison ou un bâtiment (vehicule-to-home / building). Ce pilotage intelligent de la recharge / décharge de la batterie est un levier supplémentaire de flexibilité de la consommation d’électricité, qui peut apporter une solution très concrète aux contraintes du réseau.

François Gatineau, du bureau d’études Mobileese, souligne que sans développement de la recharge intelligente en parallèle du déploiement des bornes, le risque est réel que les utilisateurs de véhicules se rechargent aux mêmes horaires, notamment en rentrant du travail, aggravant ainsi le pic déjà existant. Permettre à l’utilisateur de se brancher sans que la recharge ne se déclenche automatiquement est ainsi essentiel.

Cette solution paraît d’autant plus pertinente que pour le gestionnaire de réseau, dès lors qu’un système de pilotage de la recharge existe, il devient intéressant d’inciter l’utilisateur à rester branché à une borne sur toute la durée où le véhicule ne roule pas. Ehsan Emami de Qovoltis, producteur de bornes intelligentes, précise ainsi que la batterie du véhicule, jusque-là inutilisée 90% du temps, permettra de rendre différents services, via le vehicule-to-grid, l’équilibrage du réseau, ou encore l’effacement intelligent.

Mais pour emporter l’adhésion des utilisateurs, les incitations doivent être à la hauteur. Aujourd’hui, l’un des freins majeurs au développement de ces services est en effet l’absence d’offres adéquates et réellement rémunératrices des fournisseurs d’électricité.

Enedis cherche recherche ainsi des solutions incitatives et acceptables pour le client, dont la participation est clé. Des enquêtes sont menées, notamment à travers le projet aVEnir, pour vérifier que les solutions mises en place emportent l’adhésion et présentent un gain réel pour l’utilisateur. Giovanni Mattarolo cite le rôle du pilotage de la recharge pour maximiser l’autoconsommation chez les consommateurs équipés de panneaux solaires.

Régis Le Drézen ajoute que l’enjeu de la tarification est majeur pour rendre intéressant le pilotage de la recharge. Coordonner l’écosystème complexe qui gravite autour du pilotage de la recharge sera clé pour garantir une tarification intéressante pour le client comme pour le réseau. Le smart charging permet déjà des économies substantielles sur la facture d’énergie, aussi bien pour les flottes professionnelles que les particuliers, mais l’enjeu est maintenant de développer un pilotage encore plus fin de la recharge pour la faire réellement coïncider avec les besoins du réseau.

François Gatineau rappelle cependant les nombreux défis qui restent à relever pour généraliser le pilotage de la recharge : encore très peu de véhicules permettent une charge bi-directionnelle pour permettre le V2G ; les bornes elles-mêmes doivent être équipées de la technologie adaptée, sans toutefois être trop chères pour les particuliers ; et enfin, il n’y a pas encore d’agrégateur désigné pour coordonner l’ensemble de ce pilotage. Ehsan Emami précise en effet que l’énergie soutirée n’excédant jamais 10% de la capacité de la batterie, c’est l’agrégation des puissances fournies par les différents véhicules d’un parc qui permettra au gestionnaire de réseau de faire de l’équilibrage de réseau.

De manière plus globale, Régis Le Drézen rappelle la nécessité de se préparer à l’électrification des usages, sans laquelle il sera impossible de décarboner le système énergétique. Or le véhicule électrique représente une réelle opportunité pour apporter la flexibilité nécessaire à un réseau électrique qui intègre toujours davantage d’énergies renouvelables intermittentes. La digitalisation du réseau doit ainsi permettre de faire coïncider l’offre et la demande d’énergie, grâce à des signaux prix incitatifs, un enjeu clé pour garantir la résilience du réseau électrique.