Ce sont probablement les mots de conclusion d’Alok Sharma, le président de la Cop26, qui résument le mieux le bilan de conférence de Glasgow, quand, retenant ses larmes, il se dit « profondément désolé…Je comprends la profonde déception mais il est également vital que nous protégions cet accord ». La conférence de Glasgow n’a pas suffisamment répondu aux attentes des pays vulnérables, en première ligne d’un changement climatique dont ils ne sont pas responsables.
A l’issue de la conférence de Glasgow, 164 pays sur 196 ont déposé de nouveaux engagements climatiques pour 2030 (les « contributions déterminées au niveau national », ou CDN) et plus de 80 États, représentant trois quarts des émissions mondiales, ont promis la neutralité carbone pour le milieu du siècle, notamment l’Inde, qui s’est engagée à atteindre zéro émission nette d’ici à 2070.
Les « contributions déterminées au niveau national » contiennent des informations sur les objectifs, les politiques et les mesures de réduction des émissions nationales et d’adaptation aux impacts du changement climatique, sur les besoins de financement, de technologies et de renforcement des capacités pour ces actions.
En se basant sur ces engagements et leurs mises à jour, le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques prévoit toujours un réchauffement de 2,7°C à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle (avec une probabilité de 66 %), en se basant sur les nouvelles CDN.
30% des plans nationaux mentionnent des engagements relatifs à l’amélioration des réseaux électriques
Selon le rapport de synthèse des plans d’action nationaux pour le climat (les contributions déterminées au niveau national), mis à jour le 25 octobre pour prendre en compte les dernières soumissions, le déploiement des énergies renouvelables est la priorité retenue et mise en avant par la plupart des pays pour atténuer le changement climatique : 86% des plans d’action nationaux envisagent de déployer des énergies renouvelables pour se conformer à l’Accord de Paris.
Seuls 29% des Plans d’action nationaux mentionnent des mesures ou des programmes relatifs à « l’efficacité énergétique ».
30% d’entre eux seulement mentionnent des mesures ou des programmes relatifs à l’amélioration des réseaux (« grid improvement ») bien que celle-ci soit essentielle pour absorber des quantités croissantes d’énergie éolienne et solaire.
Au-delà des négociations formelles et de la déclaration finale, la Conférence de Glasgow a donné lieu à de nombreuses annonces, notamment sur les quatre priorités de la présidence de la COP26 : le charbon, les voitures, la finance et la déforestation.
- Deux coalitions, comptant chacune une centaine d’États, ont décidé de mettre un terme à la déforestation d’ici à 2030, et de réduire les émissions mondiales de méthane de 30 % entre 2020 et 2030.
- Une coalition de 190 pays s’est engagée à sortir progressivement du charbon à partir de 2030et à « ne plus soutenir la création de nouvelles centrales à charbon »
- Une trentaine de pays ont promis de mettre un terme à leurs financements publics dans les projets de combustibles fossiles à l’international fin 2022, s’ils ne sont pas adossés à de la capture du carbone.
- Une douzaine d’états ont rejoint l’initiative « Beyond oil and gas » (BOGA) qui entend fixer une date de fin pour accélérer l’abandon progressif de la production de combustibles fossiles, contribuant ainsi aux objectifs de l’Accord de Paris.
Une coalition pour des réseaux verts interconnectés
La COP26 a vu la création d’une coalition en faveur des énergies renouvelables, baptisée « Green Grids – One Sun, One World, One Grid ».
Cette initiative, portée par le Royaume-Uni et l’Inde, se donne plusieurs ambitions :
- Investir dans la production d’énergie solaire, éolienne, de stockage et autres énergies renouvelables dans des endroits dotés de ressources renouvelables dans le cadre d’un réseau mondial (global grid).
- Construire des lignes de transport transfrontières sur de longues distances pour relier les sources d’énergies renouvelables et les centres de demande à travers les continents.
- Développer et déployer des technologies de pointe pour moderniser les systèmes électriques et soutenir les réseaux verts capables d’intégrer des milliards de panneaux solaires installés sur les toits, des éoliennes, etc.
- Soutenir la transition mondiale vers des véhicules zéro émission en intégrant les véhicules électriques pour améliorer la flexibilité du réseau.
- Attirer les investissements dans les mini-réseaux solaires et les systèmes hors réseau pour permettre aux communautés vulnérables d’accéder à des services propres, abordables et efficaces.
- Développer des instruments financiers innovants et l’assistance financière et technique pour attirer des capitaux vers cette infrastructure globale de réseaux solaires.
La France figure, avec l’Inde, le Royaume-Uni, l’Australie, les États-Unis parmi les cinq membres du comité de pilotage de cette initiative.
Plusieurs rapports avaient alerté en 2021 sur l’ampleur des investissements nécessaires dans les réseaux électriques…
Selon l’Agence internationale de l’énergie, pour atteindre les objectifs climatiques, les investissements annuels dans les réseaux électriques devront passer de 260 milliards de dollars aujourd’hui à 820 milliards de dollars d’ici 2030. Elle estimait a 30% le part du numérique (par rapport au matériel) dans les investissements orientés vers les réseaux de distribution, moins pour les réseaux de transmission, déjà partiellement numérisés (L’AIE avait déploré que l’investissement global dans le système énergétique mondial ait diminué au cours des cinq dernières années, passant de 800 en 2016 à 760 milliards de dollars en 2019, avant de chuter à 680 milliards de dollars en 2020 pendant la pandémie de Covid-19).
Quant au Bloomberg New Energy Finance (BNEF), il estime à 14 000 milliards de dollars les dépenses en réseau nécessaires d’ici 2050 « pour suivre le rythme des ajouts d’énergie renouvelable : les investissements annuels dans le réseau électrique devront passer d’environ 235 milliards de dollars en 2020 à 636 milliards de dollars d’ici 2050, ce qui représente un taux de croissance de 3,4 % d’une année sur l’autre ». BNEF prévoit en outre que 42 % des dépenses annuelles de réseau d’ici 2050 seront consacrées à la numérisation, soit plus du double par rapport à 19 % en 2020.
« De nombreux experts affirment que pour chaque dollar investi dans les énergies renouvelables, un autre dollar devra également être investi dans le réseau pour gérer la production, la distribution des actifs et l’intermittence » rappelait, il y a quelques semaines, pour sa part, l’Observatoire mondial des marchés de l’énergie (WEMO) de CapGemini.
Un partenariat mondial pour les réseaux électriques locaux
Trois distributeurs d’électricité, un britannique (Scottish and Southern Electricity), un italien (Enel) et un autrichien (Ausgrid) ont saisi l’occasion de la Cop26 pour lancer, avec l’Université d’Oxford et le japonais Tepco, une initiative autour des réseaux intelligents locaux. L’International Community for Local Smart Grids (ICLSG) vise à rapprocher les communautés énergétiques locales et les réseaux électriques pour « partager les enseignements des projets d’innovation, faciliter les discussions sur les défis et soutenir une transition collaborative vers un avenir décarboné ». Ce partenariat porte sur une période de cinq ans. Les participations d’autres acteurs du secteur de « l’énergie communautaire » seront annoncées en 2022.
Un accélérateur pour penser les défis règlementaires de la transition énergétique
« Les régulateurs ont un rôle important à jouer dans les transitions énergétiques propres, à la fois pour encourager les investissements et pour gérer les systèmes énergétiques qui dépendent de plus en plus de l’électricité produite à partir de sources renouvelables »
L’Agence internationale de l’énergie, a lancé en collaboration avec le gouvernement britannique le Regulatory Energy Transition Accelerator (RETA) : cet « accélérateur règlementaire » se propose de réunir les régulateurs de l’énergie pour discuter des défis auxquels ils sont confrontés et partager les meilleures pratiques. Outre l’AIE et l’Ofgem, (le régulateur britannique), le RETA compte l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA) et la Banque mondiale parmi ses fondateurs. « L’initiative a reçu un large soutien de la part des régulateurs du monde entier : une déclaration conjointe approuvée par plusieurs régulateurs sera bientôt disponible ».
Sources
Green Grids Initiative – One Sun One World One Grid One Sun Declaration Glasgow, 2 November 2021
IEA: Net Zero by 2050 : A Roadmap for the Global Energy Sector
World needs $14 trillion in grid spending by 2050 to support renewables – report
New International Community for Local Smart Grids (ICLSG) initiative – launched at COP26
Capgemini’s World Energy Markets Observatory annual report 2021
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