Plus tôt cette année, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) dressait dans le World Energy Investment 2023 un état des lieux des investissements énergétiques mondiaux. Au global, les investissements mondiaux dans le secteur de l’électricité ont augmenté de 12 % en 2022 mais plafonnent dans les réseaux électriques, malgré des besoins croissants.
Selon l’AIE, la reprise après la pandémie et la réponse à la crise mondiale de l’énergie ont fortement stimulé les investissements mondiaux dans les énergies propres, avec une croissance de 24 % entre 2021 et 2023 contre 15 % dans les combustibles fossiles. Les énergies propres ont mobilisé en 2023 1 740 milliards $ contre 1000 milliards $ pour les énergies fossiles. « Pour chaque dollar investi dans les combustibles fossiles, environ 1,7 dollar est maintenant investi dans les énergies propres. Il y a cinq ans, ce rapport était d’un pour un ».
Source : AIE, World Energy Investment 2023
Les dépenses mondiales en matière d’énergies renouvelables ont atteint un nouveau record en 2022, avec 596 milliards d’USD, malgré les pressions exercées sur les coûts et la chaîne d’approvisionnement.
Les investissements dans le secteur de l’électricité (renouvelables, réseaux, stockage par batteries, nucléaire, efficacité, véhicules électriques, autres usages finaux combustibles à faibles émissions & CCUS) ont augmenté de 12 % en 2022, dépassant pour la première fois les 1 000 milliards d’USD : leur croissance devrait se poursuive en 2023 pour atteindre près de 1 200 milliards d’USD.
Source : AIE, World Energy Investment 2023
Les dépenses mondiales en faveur des énergies renouvelables ont atteint un nouveau record en 2022, avec près de 600 milliards d’USD, grâce à l’énergie solaire photovoltaïque et à l’énergie éolienne (en particulier en Chine), malgré les pressions exercées sur les coûts et la chaîne d’approvisionnement. L’AIE prévoit une nouvelle augmentation de 10 % des investissements dans les énergies renouvelables en 2023, pour atteindre plus de 650 milliards de dollars.
Les investissements dans les énergies fossiles ont légèrement augmenté en 2022 pour atteindre près de 110 milliards d’USD : en retrait toutefois par rapport à la moyenne annuelle de 135 milliards d’USD au cours de la période 2016-2021.
Les dépenses consacrées aux réseaux électriques ont poursuivi leur rebond de 2021 avec une nouvelle augmentation de 8 % en 2022 : les premiers signes suggèrent toutefois, selon l’AIE, une stagnation des dépenses en 2023.
La plupart des investissements dans les infrastructures se situent dans les économies avancées et en Chine, plus avancées dans l’électrification et confrontées aux demandes d’équilibrage de systèmes électriques plus axés sur les énergies renouvelables. Les dépenses consacrées aux réseaux dans les économies émergentes et en développement (EMDE) sont à la traîne, « un signal inquiétant compte tenu de l’augmentation rapide à prévoir de la demande d’électricité ».
Les investissements dans le stockage par batterie en 2022 ont plus que doublé (à 21 milliards $) et pourraient atteindre 37 milliards $ en 2023, encouragés par la l’IRA américaine et d’autres mesures incitatives en Europe, en Australie, en Chine, au Japon et en Corée. Les États-Unis, la Chine et l’Europe représentant 90 % de ces investissements : « Cette concentration peut être attribuée à la complexité technologique de la chaîne de valeur et à la nécessité de politiques de soutien ».
Les réseaux électriques, maillon faible de la transition énergétique
Selon le World Energy Outlook 2023 publié il y a quelques jours par l’AIE, pour atteindre tous les objectifs nationaux en matière de climat et d’énergie, « il faudra ajouter ou remplacer 80 millions de kilomètres de lignes électriques d’ici 2040 – une quantité égale à l’ensemble du réseau mondial existant. « Des changements majeurs dans la façon dont les réseaux fonctionnent et sont réglementés sont également essentiels, tandis que les investissements annuels dans les réseaux, qui sont restés globalement stagnants, doivent doubler pour atteindre plus de 600 milliards de dollars par an d’ici 2030 ».
Dans un rapport plus spécifiquement consacré aux réseaux électriques, Electricity Grids and Secure Energy Transitions, l’AIE observe qu’au moins 3 000 gigawatts (GW) de projets d’énergie renouvelable, dont 1 500 GW à un stade avancé, sont en attente de raccordement au réseau, ce qui équivaut à cinq fois la capacité solaire photovoltaïque et éolienne ajoutée en 2022. « Le nombre de projets en attente de raccordement dans le monde est probablement encore plus élevé. Les réseaux deviennent un goulot d’étranglement pour la transition ».
Alors que les investissements dans les énergies renouvelables augmentent rapidement – ils ont presque doublé depuis 2010 – les investissements mondiaux dans les réseaux n’ont pratiquement pas évolué, restant stables à environ 300 milliards d’USD par an.
« Les progrès récents en matière d’énergie propre (…) pourraient être mis en péril si les gouvernements et les entreprises ne s’unissent pas pour garantir que les réseaux électriques mondiaux soient prêts pour la nouvelle économie énergétique mondiale qui est en train de se développer » a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. « Nous devons investir dans les réseaux aujourd’hui ou faire face à une impasse demain. »
Un nouveau scénario développé par l’AIE, le Grid Delay Case, examine ce qui se passerait si les investissements dans les réseaux n’augmentaient pas assez rapidement et si les réformes réglementaires des réseaux prenaient du retard. D’après ce scenario, les émissions cumulées de CO2 entre 2030 et 2050 seraient près de 60 milliards de tonnes plus élevées en raison d’un déploiement plus lent des énergies renouvelables, entrainant une consommation plus élevée de combustibles fossiles. Cela équivaut aux émissions totales de CO2 du secteur électrique mondial au cours des quatre dernières années. Cela placerait l’augmentation de la température mondiale bien au-dessus de l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris, avec 40 % de chances de dépasser 2 °C.
L’AIE identifie plusieurs actions stratégiques : étendre et renforcer les interconnexions des réseaux au sein des pays, entre les pays et entre les régions afin de rendre les systèmes électriques plus résilients et de leur permettre de mieux intégrer la part croissante de l’énergie solaire et éolienne. L’AIE exhorte les développeurs et les opérateurs de réseaux à intégrer davantage d’outils numériques pour permettre aux réseaux du futur d’être plus résilients et flexibles.
La nécessité d’une action décisive est urgente en raison des longs délais de modernisation et d’extension des réseaux. Il faut souvent 5 à 15 ans pour planifier, autoriser et réaliser une nouvelle infrastructure de réseau – contre 1 à 5 ans pour les nouveaux projets d’énergies renouvelables et moins de 2 ans pour une nouvelle infrastructure de recharge pour véhicules électriques.
Sources :
Electricity Grids and Secure Energy Transitions
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