Près de 600 millions d’habitants d’Afrique subsaharienne ne sont pas connectés à un réseau d’électricité. La production totale d’énergie de ce continent de plus d’un milliard d’habitants est inférieure à celle de l’Espagne. En plus de leur large potentiel d’efficacité énergétique, les Smart Grids représentent pour l’Afrique une opportunité de s’équiper à moindre coût tout en s’adaptant aux contraintes énergétiques modernes et aux spécificités locales historiques.
Un village en Afrique équipé de panneaux solaires – Crédit photo : Daltoris[1] sur Flickr en CC
Les réseaux d’électricité sont encore peu développés sur le continent Africain. Facteur aggravant : les tarifs pratiqués en Afrique sont parmi les plus élevés de la planète. Le consommateur africain paie en moyenne 14-13 centimes d’euro son kilowattheure, quand celui d’Asie du Sud paie seulement 4 centimes. « Une femme vivant dans un village au nord du Nigeria dépense environ 60 à 80 fois plus par unité d’énergie qu’un habitant de New York ou de Londres », selon le président de la Banque africaine de Développement (BAD).
Plus que tous les autres, le continent possède cependant de considérables gisements d’énergie éolienne, hydraulique et surtout photovoltaïque. Par endroits, l’ensoleillement est tel qu’un même panneau photovoltaïque est capable de produire deux fois plus d’électricité qu’en Europe centrale. Ce contexte fait de l’Afrique un territoire plus que propice à la transition énergétique et aux technologies Smart Grids.
Un Nouveau Pacte pour l’énergie en Afrique
Un Nouveau Pacte pour l’énergie en Afrique a été annoncé à l’occasion de la COP 21. Ce Pacte s’assigne quatre objectifs :
- Augmenter la production du réseau par l’ajout de 160 GWH de nouvelles capacités d’ici 2025 ;
- Augmenter la transmission du réseau et les connexions au réseau pour créer 130 millions de nouvelles connexions d’ici 2025 (soit 160 % de plus qu’aujourd’hui) ;
- Augmenter la production hors réseau pour ajouter 75 millions de connexions d’ici 2025 (soit près de 20 fois plus qu’aujourd’hui) et
- Augmenter l’accès à l’énergie propre pour 130 millions de foyers.
La Banque africaine de développement prévoit de financer ce Pacte à hauteur 12 milliards d’euros au cours des cinq prochaines années.
L’approche centralisée pourrait ainsi coexister avec une approche décentralisée pour les zones rurales. Les possibilités ouvertes par les Smart Grids pourraient ainsi conduire l’Afrique vers un nouveau schéma de production avec des ouvrages de petite et moyenne taille répartis.
Les opérateurs de réseaux et les producteurs d’électricité pourraient ainsi disposer d’une « boîte à outils des technologies » très diversifiée, qui permettrait de répondre de manière plus fine aux caractéristiques des demandes rurales :
- extension du réseau vers des zones ayant des besoins importants et justifiant le coût d’investissement élevé dans les lignes ;
- microgrids avec une production locale thermique ou hybride si la ressource est disponible, dans les localités ayant les niveaux de demande correspondants ;
- production individuelle répartie pour les populations et les villages isolés[2].
Cette approche décentralisée ayant intensivement recourt aux technologies Smart Grids amène naturellement à envisager des évolutions de la régulation du secteur, comme par exemple autoriser l’auto-production industrielle pour des besoins propres et la revente de l’excédent à un tarif intéressant ou permettre la production des producteurs privés indépendants à accéder au réseau et de disposer de modalités d’achat claires.
La mise en oeuvre d’un cadre réglementaire clair conditionne ainsi, selon l’Agence française pour le développement (AFD), l’engagement des opérateurs pour développer l’accès à l’énergie en zones rurales.
Un sommet africain des Smart Grids
Les enjeux techniques, économiques et réglementaires des réseaux africains sont aujourd’hui discutés sur une base annuelle lors du Africa Smart Grid Forum[3]. La dernière édition a eu lieu au Caire, du 5 au 7 mars. Le Forum se donne l’objectif de « Mettre en évidence le potentiel des Smart Grids pour accélérer l’accès à l’électricité pour les populations africaines et stimuler les opportunités d’affaires ».
Ce Forum était co-organisé par le Ministère égyptien de l’Electricité et des Energies Renouvelables et la Commission Electrotechnique Africaine (AFSEC). Le Dr Tuan Tran-Quoc (Université Grenoble Alpes, CEA/INES), Laurent Schmitt (Grid Solutions GE), Xavier Yang (EDF) ainsi que Philippe Monloubou (Président du directoire d’ERDF et Président de Think Smartgrids) figuraient parmi les intervenants.
ITEMS International pour Think Smartgrids
[1] Flickr – https://www.flickr.com/photos/38523511@N00/5574348334/
[2] Banque Mondiale, la lumière vient d’en bas : Comment les petits producteurs d’électricité et les mini-réseaux peuvent promouvoir l’électrification rurale et les énergies renouvelables en Afrique, 2015
[3] African Smart Grid Forum – http://africasmartgridforum2016.org/fr