On connaissait déjà les grandes lignes du plan d’action de la Commission européenne concernant la « transition numérique du secteur de l’énergie ». Ce plan d’action a été rendu public le 18 octobre.
« Le pacte vert pour l’Europe et REPowerEU exigent une transformation numérique et durable, en profondeur, de notre système énergétique. Ainsi, il nous faudra placer des panneaux solaires photovoltaïques sur les toits de tous les bâtiments commerciaux et publics d’ici 2027 et sur tous les nouveaux bâtiments résidentiels d’ici 2029. Il faudra également installer 10 millions de pompes à chaleur au cours des cinq prochaines années et remplacer 30 millions de voitures par des véhicules à émissions nulles sur les routes d’ici 2030 (…). Pour atteindre ces objectifs, l’Europe doit construire un système énergétique qui soit beaucoup plus intelligent et plus interactif qu’aujourd’hui ».
« Le plan d’action estime à 584 milliards d’euros les investissements qu’il conviendra de réaliser dans le réseau électrique entre 2020 et 2030, en particulier dans le réseau de distribution », estime la Commission et « une part importante de ces investissements devra être consacrée à la transition numérique ».
« Comme c’est le cas dans de nombreux autres secteurs, la transformation numérique est déjà en cours dans le secteur de l’énergie, ainsi les véhicules électriques, les installations photovoltaïques, les pompes à chaleur et de nombreux autres nouveaux appareils sont équipés d’une technologie intelligente qui génère des données et permet de les commander à distance. (…) Mais nous devons en faire davantage si nous entendons exploiter pleinement le potentiel des technologies numériques et accélérer la transformation numérique de notre système énergétique ».
Le plan d’action définit une série d’actions dans les domaines suivants:
- promouvoir la connectivité, l’interopérabilité et l’échange fluide de données entre les différents acteurs,
- favoriser l’augmentation et la meilleure coordination des investissements dans le réseau électrique,
- donner aux consommateurs, y compris les plus vulnérables ou ceux dont les compétences numériques sont limitées, de nouveaux moyens de s’engager dans la transition énergétique ou la possibilité de bénéficier de meilleurs services fondés sur les innovations numériques,
- renforcer la cybersécurité,
- concevoir une gouvernance efficace, au moyen d’une planification structurelle et conjointe par les pouvoirs publics, en coopération avec le secteur privé.
Un cadre européen pour le partage des données
« Le déploiement d’un cadre approprié de partage des données relatives à l’énergie pourrait faciliter la participation aux marchés de gros de plus de 580 GW de ressources énergétiques flexibles qui utiliseront pleinement les solutions numériques, d’ici à 2050 ».
La Commission estime à plus de 90 % la part des besoins globaux de flexibilité dans les réseaux électriques de l’UE qui serait ainsi couverte. « Permettre la recharge intelligente et bidirectionnelle des véhicules électriques, la participation des centrales électriques virtuelles aux marchés de l’énergie et l’exploitation du potentiel des communautés énergétiques, des bâtiments intelligents et du chauffage intelligent à l’aide de pompes à chaleur pourrait apporter la plus grande part de cette flexibilité. En outre, les batteries de voitures peuvent être utilisées pour stocker l’énergie excédentaire et la fournir au réseau en cas de besoin, grâce à un système qui permet de savoir quand le véhicule se trouve dans son garage, d’anticiper les périodes où il n’est pas utilisé et de surveiller la capacité de réserve disponible ».
Pour mettre en œuvre la proposition de règlement sur les données et permettre des échanges de données, « il faudra adopter une approche coordonnée guidée par les pouvoirs publics. Le cadre pour le partage des données ne se limite pas à la normalisation, il nécessite un ensemble complexe de dispositions juridiques et de modalités opérationnelles, ainsi que des exigences et directives techniques ». Une coordination étroite est nécessaire pour garantir des processus cohérents et harmonieux au niveau européen, de nature à compléter et coordonner les initiatives nationales et à leur ajouter de la valeur.
Une stratégie de coordination
La Commission rétablira officiellement le groupe de travail existant sur les réseaux intelligents (SGTF). Rebaptisé «Smart Energy Expert Group», ce groupe aura des responsabilités élargies et veillera à associer à ses travaux tous les États membres et autres parties prenantes concernées.
Au sein de ce groupe, la Commission mettra en place, d’ici mars 2023 au plus tard, le groupe de travail «Data for Energy» (D4E).
« Le groupe D4E concentrera ses travaux sur le développement d’un portefeuille de cas d’utilisation européens de haut niveau concernant les échanges de données dans le domaine de l’énergie » .
Investissements dans les infrastructures électriques numériques
« Le réseau électrique de l’UE s’est de plus en plus numérisé au cours de la dernière décennie, mais cette transition doit s’accélérer considérablement ».
Pour atteindre les objectifs du plan REPowerEU, « des investissements à hauteur de 584 milliards d’euros seront nécessaires dans le réseau électrique entre 2020 et 2030 ». La Commission estime qu’il faudrait consacrer à la numérisation environ 170 des quelque 400 milliards d’euros d’investissements prévus dans le réseau de distribution au cours de la période 2020-2030.
Vers un « jumeau numérique » du réseau électrique européen
La Commission annonce qu’elle aidera les gestionnaires de réseau de transport (GRT) et les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) de l’UE à créer un « jumeau numérique » du réseau électrique européen, c’est-à-dire un modèle virtuel sophistiqué du réseau électrique européen.
« L’objectif de ce double numérique sera d’améliorer l’efficacité et l’intelligence du réseau afin de rendre plus intelligents non seulement les réseaux, mais aussi le système énergétique dans son ensemble. (..) Le double numérique ne sera pas créé d’un seul coup, mais représentera un effort soutenu en matière d’investissement et d’innovation au cours des années à venir. Tout au long de ce processus, des synergies seront assurées avec les futures initiatives relatives aux mondes virtuels, comme le métavers ».
Adapter le cadre règlementaire
« La promotion des investissements dans les réseaux énergétiques intelligents nécessite un cadre global, mais les réglementations de nombreux États membres ne semblent encourager ni la numérisation ni l’innovation ».
La Commission veillera à adapter, d’ici 2023, un cadre pour attirer et orienter de tels investissements. La Commission soutiendra l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) et les autorités de régulation nationales (ARN) dans les travaux qu’elles mènent pour définir des indicateurs communs pour les réseaux intelligents, ainsi que des objectifs pour ces indicateurs.
Nouveaux services et autonomisation des consommateurs
Les premiers résultats du projet DRIMPAC ont montré que le fait de permettre aux petits consommateurs de s’engager plus facilement dans la participation active de la demande, grâce à un cadre d’interopérabilité unifié, peut réduire leurs factures d’énergie de 20 %, en particulier suite à une baisse de 15 % de leur consommation d’énergie.
En collaboration avec les États membres, la Commission européenne élaborera également d’ici à 2023 un cadre de référence commun comprenant une mise en œuvre de référence à code source libre («open source») pour une application destinée aux consommateurs qui leur permettra de diminuer volontairement leur consommation d’énergie et les aidera à réduire leurs coûts énergétiques. « Il en résultera une application de référence normalisée qui sera élaborée en étroite collaboration avec les fournisseurs d’énergie et qui s’appuiera sur des applications et services déjà disponibles sur le marché ».
La Commission encouragera les États membres à mettre à disposition de telles applications « afin de fournir aux consommateurs des conseils et astuces plus personnalisés en matière d’économies d’énergie, fondés sur des informations génériques au sujet des différents appareils ainsi que sur les données relatives à la consommation et aux conditions météorologiques disponibles localement. Ces applications pourraient également leur fournir toutes les informations nécessaires pour faire face aux crises énergétiques (par exemple, soutien financier, services de conseil ou assistance en cas de litige avec un fournisseur) ».
Communautés énergétiques et initiatives locales dans le domaine de l’énergie
La Commission s’efforcera d’utiliser au mieux les outils numériques pour soutenir les communautés énergétiques et les systèmes de consommation locale d’électricité produite localement. Elle recensera et sélectionnera des outils numériques et produira des orientations sur le partage de l’énergie et les accords d’échange entre pairs. Elle développera, en outre, une plateforme d’expérimentation pour tester et simuler des communautés énergétiques en combinaison avec des activités innovantes telles que le commerce d’énergie basé sur la technologie des « chaînes de blocs » (ou blockchain).
Cybersécurité et résilience du système énergétique
L’UE a adopté une approche systémique afin de renforcer la cybersécurité des réseaux énergétiques. Celle-ci combine des mesures spécifiques à l’énergie tout en s’appuyant sur le cadre intersectoriel de cybersécurité.
La Commission recensera les services, systèmes ou produits numériques spécifiques susceptibles d’être soumis en priorité à des évaluations coordonnées des risques, notamment ceux qui pèsent sur la chaîne d’approvisionnement en énergies renouvelables, y compris l’éolien en mer. « Ces évaluations devraient couvrir les facteurs de risque aussi bien techniques que non techniques, tels que l’exercice d’une influence indue par un État tiers sur des fournisseurs et des prestataires de service, en s’appuyant sur les facteurs recensés dans l’évaluation coordonnée des risques au niveau de l’UE relative à la sécurité des réseaux 5G ».
Afin d’accroître la résilience aux risques de cybersécurité dans le système électrique, la Commission entend proposer un acte délégué sous la forme d’un code de réseau pour les aspects de la cybersécurité des flux transfrontaliers d’électricité.
Soutien financier en vue d’une adoption plus rapide des technologies énergétiques numériques
La Commission entend inclure dans le programme de travail d’Horizon Europe pour 2023-2024 une initiative phare visant à soutenir la numérisation du système énergétique, qui tienne compte des priorités clés du présent plan d’action :
- La mission de l’UE «Villes neutres pour le climat et intelligentes» visant à établir 100 villes climatiquement neutres d’ici 2030 sera soutenue par le financement du développement de « jumeaux numériques » de certaines villes qui engloberont des infrastructures énergétiques.
- Le sous-programme «Transition énergétique propre» (TEP) du programme de financement européen LIFE, pour sa part, soutient le développement de solutions de services énergétiques intelligents pour autonomiser les citoyens et les communautés, permettre un meilleur contrôle de la consommation énergétique et induire ainsi une modification des comportements et une demande pour la rénovation des bâtiments.
- « Dans la mesure du possible, la Commission encouragera/soutiendra l’utilisation de l’open source afin de garantir l’accessibilité et l’adoption du marché ».
Voir aussi
- Du nouveau sur la stratégie européenne de numérisation du secteur de l’énergie
- Nouvelles réglementations Cyber pour les Smart grids
- La numérisation a mobilisé 18% des investissements mondiaux dans les réseaux électriques en 2021
- Stratégie numérique européenne : de nouvelles exigences pour les technologies IA et Data
- Bruxelles souhaite une réforme structurelle du marché de l’électricité