L’Allemagne s’est lancée dans une ambitieuse transition énergétique : l’Energiewende se propose de diminuer d’au moins 80 % les émissions de gaz à effet de serre et de faire des énergies renouvelables la principale source d’approvisionnement en énergie en atteignant 60 % de la consommation d’énergie finale d’ici 2050. Le numérique et les Smart Grids ont, dès 2008, été largement mis à contribution de cette grande transformation.
Paysage à Berlin en Allemagne – Crédit photo Patrick Schöpflin en CC
À l’horizon 2022, les centrales nucléaires allemandes seront mises hors service et d’autres centrales conventionnelles cesseront également leurs activités. Cette évolution a un impact sur le réseau électrique : au cours des prochaines années, il faudra optimiser, renforcer ou construire nouvellement un total de plus de 7 500 kilomètres au sein du réseau de transport.
Les Smart Grids sont un des leviers de cette stratégie énergétique.
2008-2013 : 5 régions pionnières pour le programme E-energy
Le gouvernement fédéral allemand a décidé en 2006 de lancer le projet « E-Energy : ICT-based Energy system of the Future » afin de développer l’intelligence et les technologies de réseaux nécessaires pour permettre les Smart Grids.
Le ministère de l’Économie a développé, à cette occasion, un concept de régions pionnières en matière de Smart Grids. Six « régions-modèles » avaient été retenues pour développer et tester en grandeur réelle, entre 2008 et 2013, des technologies spécifiques : nouveaux moyens d’approvisionnement, systèmes de prévision éolien et solaire, bâtiments intelligents, micro-centrales de cogénération.
- Le projet eTelligence a été déployé à Cuxhaven, région rurale, où environ 50 % de la production d’électricité provient de l’éolien. Il consistait à élaborer un système de supervision pour mieux gérer l’énergie éolienne, de nature imprévisible, et mieux intégrée au réseau.
- Le projet E-DeMa (Development and Demonstration of Decentralized Integrated Energy systems on the Way Towards the E-Energy Marketplace of the Future), déployé dans la région Rhein-Ruhr avait pour objectif de mettre en place un marché de l’électricité, de contrôler et de surveiller l’ensemble de l’offre et de la demande à l’aide de technologies numériques.
- Le projet MeRegio se concentrait sur le développement d’un certificat d’émissions minimales pour la région de Karlsruhe / Stuttgart, avec comme objectif l’élimination complète des émissions de CO2 causées par le chauffage et la consommation d’électricité. Dans le cadre de l’expérimentation, les compteurs intelligents et les infrastructures de communication étaient utilisés pour détecter l’état du réseau en moyenne et basse tensions et, ainsi, agir en conséquence.
- Le projet Model City Mannheim (Moma), mené dans la région métropolitaine de Rhein Neckar à Mannheim qui comprend beaucoup de production d’énergie répartie, se donnait l’objectif de construire un réseau électrique intelligent privé à Mannheim et à Dresde, connecté aux réseaux d’électricité, de gaz, d’eau et de chauffage urbain. Il visait l’amélioration de l’efficacité énergétique et la qualité du réseau, en intégrant les énergies de sources renouvelables dans le réseau de distribution de la ville.
- Le projet RegModHarz, déployé dans le district de Harz, grand producteur d’énergies renouvelables, visait à s’assurer que le réseau restera stable malgré l’intégration de ces énergies au caractère intermittent.
- Le projet Smart Watts, déployé à Aix-la-Chapelle, s’appuyait sur 70 gestionnaires de réseaux de distribution intéressés par l’élaboration d’un « Internet de l’énergie ». Il s’attachait à développer les compteurs électriques intelligents et une infrastructure dans laquelle les clients pourront recevoir des informations utiles et détaillées sur leurs habitudes de consommation et sur les nouveaux services du marché de l’énergie.
Le financement global pour ces projets s’élevait à environ 140 millions d’euros, le ministère fédéral de l’économie, le BMWi, contribuant à hauteur de 40 millions d’euros et le ministère fédéral de l’Environnement, le BMUB, à hauteur de 20 millions d’euros, le reste étant à la charge des industriels et des GRD.
Le BMWi a présenté, le 7 mai 2014 à Berlin, un bilan du programme “E-Energy ».
2016: La loi de la numérisation de la transition énergétique
La loi fédérale sur la numérisation de la transition énergétique adoptée en juillet 2016 encadre et encourage le développement des compteurs intelligents (44 millions de compteurs connectés d’ici 2026) ainsi que celui d’une infrastructure numérique permettant de connecter plus de 1, 5 million de producteurs d’électricité et les plus grands consommateurs. L’accent est mis sur l’introduction de systèmes intelligents sur mesure, qui serviront de plate-forme de communication sécurisée. La protection de données personnelles étant une priorité en Allemagne, des mécanismes de protection exigeants en Europe ont été introduits.
Selon le cabinet NorthEast, la transition numérique du système énergétique allemand représente un investissement total d’environ 23,6 milliards d’euros. En plus des compteurs, l’Allemagne pourrait dépenser environ 12,6 milliards d’euros dans les capteurs intelligents, les dispositifs de communications, les logiciels d’optimisation du réseau de distribution, ainsi que le stockage.
2016-2020: 500 millions pour cinq démonstrateurs-vitrines SINTEG dans cinq régions
Alors la montée en puissance des énergies renouvelables appelle une refonte de son réseau électrique, le BMWi, le ministère fédéral de l’économie, convient que le déploiement des Smart Grids a pris un certain retard. A cette fin, le BMWi a lancé un nouveau programme, SINTEG, qui vise la mise au point de solutions favorisant l’intégration des EnR, la flexibilité, la sécurité de l’approvisionnement, la stabilité du système et l’efficacité énergétique.
Renouant avec l’approche régionale, le BMWi a retenu, à l’issue d’une compétition, cinq régions pilotes pour cinq projets qualifiés de “vitrines”.
- Le projet C / sells sera implémenté dans le Bade-Wurtemberg, la Bavière et la Hesse et porte sur l’énergie solaire. L’accent y est mis sur l’optimisation de la production et de la consommation régionale.
- Le projet Designetz prendra place en Rhénanie du Nord-Westphalie, Rhénanie-Palatinat et en Sarre et a comme objectif de fournir de l’énergie solaire et éolienne aux consommateurs urbains et industriels.
- Le projet Enera (localisé en Basse-Saxe) vise la en place des services de gestion et de régulation des réseaux régionaux qui stabilisent la grille localement et augmentent ainsi la fiabilité de l’alimentation électrique à base d’énergies renouvelables.
- L’objectif du projet « New 4.0 » dans le Schleswig-Holstein et à Hambourg est de démontrer que la région disposera d’un système d’approvisionnement fiable et efficace dès 2025 basé sur 70% d’énergies renouvelables.
- Le projet « WindNODE » couvrira les cinq Länder de l’Est et Berlin. L’objectif est une intégration efficace de la production d’énergie renouvelable dans un système multi-énergie combinant électricité, chaleur et mobilité.
Les projets sélectionnés ont démarré fin 2016 pour certains et début 2017 pour d’autres. Ils s’étaleront sur quatre ans. Selon le BMWI, ces projets impliquent près de 300 entreprises et acteurs publics. L’investissement total est évalué à 500 millions d’euros, dont 200 apportés par le BMWi.
ITEMS International pour Think Smartgrids