La filière des réseaux électriques intelligents se prépare à employer plus de 25 000 personnes en France en 2020. Elle représente déjà plus de 15 000 emplois, ce qui signifie que plus de 10 000 nouveaux emplois devraient être créés en l’espace de 5 ans seulement. De nombreux métiers devront évoluer pour s’adapter aux nouveaux besoins de la filière et ce, bien au-delà du secteur de l’énergie stricto sensu. L’Education Nationale, les Universités et les Grandes Ecoles ont entrepris depuis plusieurs années d’adapter leurs offres de formation pour prendre en compte les nouvelles compétences requises, susciter des vocations et encourager les évolutions de carrière. Refonte des programmes existants, révision des référentiels, création de nouvelles formations : le mouvement est lancé.
Remise de diplômes aux Mines ParisTech – Crédit photo : Mines ParisTech en CC
La filière Smart Grids française est aujourd’hui en pleine accélération. De nombreux métiers vont devoir évoluer pour s’adapter à ses besoins spécifiques. Ce changement concerne tous les corps de métiers, des métiers techniques aussi bien que ceux impliqués dans la relation clients. Selon Manpower France, il faudra « coupler des technologies anciennes avec des énergies renouvelables : c’est donc la transversalité des métiers qui est privilégiée, toujours dans une optique d’innovation ».
Le déploiement à grande échelle du compteur communicant Linky, avec le remplacement de la totalité des 38 millions de compteurs électriques, constitue l’un des gisements d’emplois les plus souvent cités, de par son volume. Les projets de déploiement à grande échelle comme FlexGrid, Smile et You&Grid sont aussi de potentiels grands pourvoyeurs d’emplois.
L’identification des nouvelles compétences requises pour les Smart Grids et l’adaptation de l’offre de formation de la filière donnent lieu depuis quelques années à de nombreux travaux et initiatives.
Initiatives nationales
En 2009, dans le cadre du Plan de mobilisation nationale sur les métiers de la croissance verte, le Comité de filière « Électromécanique, construction électrique et réseaux » avait entrepris d’identifier les besoins en compétences dans le domaine des « Systèmes éco-électriques ». Ces travaux ont débouché sur la mise en place par le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) de trois diplômes : un diplôme d’ingénieur « Systèmes électriques » proposé en alternance par la voie de l’apprentissage et deux licences professionnelles « Coordinateur Technique en Intégration Énergies Renouvelables Électriques » et « Coordinateur Technique en Rénovation Énergétique ».
En 2013, à l’occasion du Débat National sur la Transition Energétique, un groupe de travail sur la formation avait recensé une série de recommandations liés aux Smart Grids :
- Renforcer les diplômes dans les domaines des réseaux électriques intelligents et de l’installation électrique (GTB).
- Introduire des modules obligatoires en formation initiale et continue de formation complémentaires en TICs et en Développement durable.
- Regarder la liaison entre société numérique et transition énergétique en matière de formation.
- Miser sur l’innovation des offres de formation pour faire face à l’instabilité des financements.
- Examiner les besoins de réingénierie des certifications existantes dans la construction d’une offre de formation adaptée à la transition énergétique.
- Anticiper le dimensionnement des capacités de formation suffisamment en amont de façon à veiller à ce que les compétences à mobiliser soient issues du tissu éducatif national et disponibles au bon moment.
- Rendre lisibles dans le Répertoire National de la Certification Professionnelle (RNCP) les certifications des métiers impactés par la transition énergétique et d’une manière générale par l’économie verte.
En 2015, le Conseil National de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie (CNFPTLV) consacrait un chapitre de son rapport sur les formations liées à la transition écologique à la filière des Smart Grids.
Les services et activités les plus concernés par les évolutions de métiers sont selon le CNFPTLV :
- L’électrotechnique : du technicien de base à l’ingénieur, de l’électricien, au thermicien en passant par les électroniciens et instrumentistes.
- Le facility management : pour les sites industriels et tertiaires.
- La R&D : qui mêle aujourd’hui de manière croissante les technologies de l’information et les technologies de l’énergie.
Quant aux services financiers et marketing des entreprises concernées, ils devront aussi, selon le CNFPTLV, monter en compétences pour prendre en compte les nouvelles demandes de reporting, les nouveaux impacts financiers liés aux changements réglementaires ou encore la gestion de nouveaux risques.
Des compétences commerciales et managériales pour accompagner les nouveaux services
La transformation numérique des réseaux donne lieu à l’émergence de nouveaux services : tarification dynamique, effacement, certificats d’économie… La conception de ces offres, comme de leur commercialisation, appelle une nouvelle génération de profils : ingénieurs commerciaux, responsables de développement, chefs de projets ou agents d’affaires. Les professionnels devront aussi être formés de manière croissante à la gestion de la relation client. C’est notamment le cas des professionnels qui seront chargés de l’installation des compteurs électriques communicants ainsi que des équipements de domotique, pour s’assurer de la bonne information des usagers à l’utilisation de ces technologies et de leur sensibilisation aux économies d’énergie.
Dans l‘étude qu’elle a consacrée aux enjeux de la transition énergétique sur les métiers de cadres, l’APEC met l’accent sur l’importance du travail collaboratif et la nécessité pour les ingénieurs et cadres d’adopter une approche davantage systémique et globale. « Il s’agit pour les ingénieurs et cadres de ne pas s’arrêter à des approches trop centrées sur des aspects techniques particuliers mais d’avoir une capacité nouvelle à gérer des interactions multiples ».
Montée en compétences numériques
Dans le cadre de ses travaux sur l’impact de la transition écologique sur l’emploi et la formation, le Centre d’Etudes et de REcherches sur les Qualifications (CEREQ) a mené une étude sur les besoins en termes d’emplois et de formation pour le développement des Réseaux Electriques Intelligent. L’objectif de l’étude est de comprendre les transitions professionnelles induites par cette évolution du système électrique et d’identifier les nouveaux besoins en emplois, en compétences et en formation initiale et continue inhérents au développement des REI.
Nathalie Bosse du CEREQ y conclue que « La convergence entre numérique & énergie se traduit par des besoins accrus en comptage, en automatisation (capteurs, effacement…), en connectique (qui entraîne une modification des dispositifs de maintenance) et en gestion « intelligente » des flux (intermittence, effacement des pics…) ». Cette convergence appelle des compétences dans les domaines du logiciel, de la cybersécurite et de la protection des données.
Selon Olivier Cateura, chargé de mission innovation au Pôle de Compétitivité Tenerrdis, « les métiers classiques de la maintenance des réseaux d’énergie évolueront. Le technicien-opérateur sur le réseau électrique aura besoin de bases en informatique et en communication. L’électricien des réseaux domestiques aura besoin de comprendre le pilotage informatique et le compteur Linky. Sont aussi amenés à se développer, les métiers d’ambassadeur-formateur auprès du public, chargés d’expliquer comment se servir des nouvelles technologies installées dans leur maison ».
Diagnostics et initiatives régionales
Les Régions, au triple titre de leurs compétences en matière de formation professionnelle, de leur démarche de transition énergétique et de leurs projets de démonstrateurs Smart Grids, ont entrepris dès 2013, de recenser les offres de formation sur leur territoire.
La Région Bretagne recensait en 2013, dans le cadre d’une étude sur le développement des Smart Grids : 8 mastères, 3 licences professionnelles, 1 BTS et 1 DUT en lien avec les problématiques Smart Grids, soit 13 formations spécialisées.
Même démarche en Provence-Alpes-Côte-d’Azur avec un important travail de diagnostic et de recensement des formations et enseignements liés aux REI réalisé par le pôle CapEnergies et l’Institut Régional de Formation à l’Environnement et au Développement Durable (IRFEDD). 22 formations post BAC en lien avec les Smart Grids ont ainsi été identifiées.
La Région Rhône-Alpes, pour sa part, a conduit en 2015 une enquête auprès des acteurs locaux de la filière REI pour identifier les métiers recherchés par la filière, dégager les profils des métiers et dresser un tableau de l’offre de formations spécialisées dans la gestion d’énergie et les réseaux intelligents. Les résultats de ces travaux ont mis en évidence une trentaine de formations en lien avec les Smart Grids.
Parvis de l’Ecole Grenoble INP – Crédit photo : Grenoble INP en CC
Bacs professionnels
Premier maillon de la chaîne, l’Education Nationale a entrepris d’actualiser ses formations pour accompagner la transition énergétique. Les Bacs Pros, le Bac technologique Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable » (STI2D) et les BTS d’électrotechnique intègrent désormais « l’efficacité énergétique, active et passive, la chaîne complète de l’énergie, les sources primaires jusqu’aux services énergétiques, l’écoconception, les indicateurs d’impact environnemental, la gestion coordonnée des réseaux de gaz, d’électricité et de chaleur, la mesure « fine » des consommations énergétique et l’éducation du comportement de l’usager ». Le cloisonnement du passé entre courants forts et courants faibles, qui aboutissait à deux types de formation, disparaît au profit d’une formation plus générale.
Les bacs pros ELEEC (ELectrotechnique Energie Equipements Communicants) et SEN (Systèmes Électroniques Numériques) ont ainsi été repensés en 2013 et 2014. Un Bac Pro MELEC (Métiers de l’Electricité et de ses Environnements Connectés) a vu le jour en 2016 à cette occasion. Il aborde toutes les compétences professionnelles liées au métier d’électricien, depuis le point de livraison de l’énergie jusqu’aux applications terminales. La première session de recrutement aura lieu en juin 2019.
Licences et licences professionnelles
Adossées à des branches professionnelles et répondant à des besoins en compétences bien identifiés, les licences professionnelles sont reconnues et appréciées des employeurs, avec un taux moyen d’insertion des diplômés de 91 %.
La simplification de la nomenclature des licences professionnelles (leur nombre est passé de 1844 intitulés à 173 depuis la rentrée 2015) vise à renforcer la lisibilité de l’offre de ces formations professionnalisantes pour les jeunes et pour les employeurs.
Pour le secteur de l’énergie, leur nombre a été ramené à 5 : « métiers de l’électricité et de l’énergie », « Gestion et maintenance des installations énergétiques »., « Maintenance des systèmes industriels, de production et d’énergie », « Maîtrise de l’énergie, électricité, développement durable » et « Métiers de l’énergétique, de l’environnement et du génie climatique ».
La Licence pro « métiers de l’électricité et de l’énergie », par exemple, forme les futurs techniciens supérieurs, chargés d’affaires et assistants commerciaux en associant connaissance de l’énergie et compétences complémentaires (numérique, fonction commerciale ou gestion). Cette licence se décline, à son tour, en une série de spécialités : « distribution électrique et automatismes », « coordinateur technique en intégration des énergies renouvelables électriques », « distribution électrique et performance énergétique », « coordinateur technique pour les installations électriques », « gestion de l’énergie électrique – éco efficacité énergétique », « maîtrise et qualité de l’énergie électrique », « gestion de l’énergie électrique et énergies renouvelables », « éco-gestion de l’énergie électrique » délivrées dans une trentaine d’universités, IUT et écoles.
Diplômes d’ingénieurs, masters et mastères
L’ingénieur Smart Grids figurait en 2015 selon les Echos parmi « les 20 métiers qui montent ». « Mi-informaticien, mi-énergéticien, il coordonne de la manière la plus efficace possible la production, la distribution, le stockage et la consommation d’énergie. Sa mission s’étend de la conception de logiciels jusqu’à la distribution des sources d’énergie. Ses compétences recouvrent l’informatique industrielle, l’électronique, la conception de systèmes ».
Les Universités et les Grandes Ecoles ont entrepris d’adapter leurs offres pour prendre en compte les compétences requises. Si bon nombre d’entre elles abordent ces différentes disciplines de manière encore trop cloisonnée, les référentiels d’un grand nombre d’entre elles ont été révisés pour favoriser la polyvalence. Près d’une vingtaine de Grandes Ecoles et d’Universités mentionnent ainsi explicitement le débouché des réseaux électriques dans les diplômes d’ingénieur qu’elles délivrent. Dans la plupart des cas, ces formations sont adossées à un grade de Master ou de Mastère.
- Les Mines ParisTech ont mis en place un Mastère Spécialisé en « Optimisation des Systèmes Énergétiques ». L’accent est placé ici sur les compétences économiques, financières et managériales nécessaires pour « accéder à des postes à responsabilités dans tous les secteurs qui innovent en matière de projets énergétiques ».
- A Grenoble INP, deux écoles d’ingénieurs, Ensimag (École nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées) et Ense3 (école d’ingénieurs énergie eau environnement) se sont associées pour proposer une combinaison de cours issus des cursus d’ingénieur des deux écoles : « La formation donne une place prépondérante à l’autonomie et à la pratique grâce à la réalisation d’un projet intégrateur par groupes de 4-5 personnes, dont le sujet peut être proposé par un partenaire industriel ».
- L’Ecole des Ponts ParisTech propose dans sa formation d’ingénieur, un cursus « Ville, environnement et transport ». Deux masters entrent également dans ces champs d’application : « Transport et mobilité » ainsi que « Villes, services et usages ».
- L’Ecam-Epmi propose, en cycle ingénieur, une formation Energétique et Ville du Futur (EVF), qui met l’accent sur le concept de la « Smart City » sous le double regard énergétique et informationnel.
- L’ESILV (Ecole Supérieure d’Ingénieurs Léonard de Vinci) a créé un département baptisé « nouvelles énergies » : ses enseignements reposent sur quatre piliers principaux : la physique liée à l’énergie, la collecte de données par des outils numériques, l’analyse de ces informations par des moyens numériques et statistiques et enfin l’ouverture aux enjeux de la transition énergétique. Elle prépare, notamment, au métier de « concepteur de réseaux électriques intelligents ».
Le trait commun de ces formations réside, outre la connaissance fine des disciplines fortement liées à la problématique de l’énergie, dans l’intégration des technologies numériques (logiciel, télécommunications, systèmes embarqués dans l’automobile, capteurs et compteurs intelligents dans le bâtiment) et pour certaines d’entre elles dans la prise en compte des enjeux économiques ou réglementaires.
La prise en compte de la nouvelle donne des réseaux électriques peut conduire à la fusion de départements, comme à l’INP ENSEEHIT à Toulouse, avec le regroupement des département « Électronique » et « Génie Électrique et Automatique », voire même à la fusion d’écoles, comme ce fut le cas à Grenoble avec la fusion de l’ENSHMG-Mécanique et Hydraulique et de l’ENSIEG-Energie et Traitement de l’information, pour donner naissance à l’Ense3, école d’ingénieurs énergie eau environnement.
L’Université Paris Diderot (Paris7) esquisse une approche originale avec un Master « Approches interdisciplinaires des énergies de demain » (AIED) résolument hybride puisqu’il associe deux spécialités, l’une à dominante sciences humaines et sociales et l’autre, tournée vers l’Ingénierie Physique des Énergies. La spécialité Énergie, écologie, société (E2S) propose à ses étudiants issus des sciences humaines et sociales d’aborder la question énergétique, dans sa complexité écologique et sociale. La spécialité Ingénierie Physique des Energies (IPE) forme des ingénieurs spécialisés en physique et techniques communes aux différentes filières énergétiques.
Les formations en alternance et l’apprentissage constituent aussi des voies d’accès pour les ingénieurs « Smart Grids ». Le CNAM Pays de la Loire a ainsi mis en place, dans le cadre du démonstrateur Smart Grid Vendée, un diplôme d’ingénieur « spécialité systèmes électriques » par la voie de l’apprentissage à La Roche-sur-Yon en partenariat avec l’ATEE (Association Technique Energie Environnement). Dans le cadre de sa formation d’Ingénieur en Systèmes Electriques en apprentissage, plusieurs campus régionaux du CNAM proposent désormais des formations « Systèmes électriques » : Systèmes éco-électriques (Picardie, Midi-Pyrénées, Paris, Auvergne, Lorraine, Centre, Provence-Alpes- Côte d’Azur). Ces formations préparent notamment aux métiers d’« ingénieur en maintenance des systèmes énergétiques », d’« ingénieur d’études de systèmes énergétiques », de « gestionnaire d’un réseau électrique » ou encore d’ « administrateur/gestionnaire de réseaux électriques ».
Des architectes Smart Grids issus de la filière numérique ?
Issus aujourd’hui de la filière « énergie », les ingénieurs qui se destinent aux Smart Grids pourraient tout aussi bien provenir de la filière informatique et télécom.
Le FAFIEC – l’Organisme Paritaire Collecteur Agréé (OPCA) des métiers du numérique – a entrepris de dessiner le profil de « Chef de projet réseaux électriques intelligents » : « L’architecte Smart Grids conçoit les dispositifs de transport de l’énergie entre de multiples points de production et de consommation. Il établit les schémas d’aiguillage du réseau de distribution et les pilotes en temps réel en fonction de l’ensemble des paramètres de production et de consommation. Il définit pour cela le fonctionnement des systèmes communicants organisés en réseaux hétérogènes ».
Selon le FAFIEC, les compétences requises seraient l’ingénierie des systèmes intelligents, la conception des systèmes à base d’objets communicants (capteurs, actionneurs) et l’intégration de plusieurs technologies dans un même système (réseaux, temps-réel système embarqué, traitement du signal et de l’image, sécurité… ). Le Fafiec recense aussi, parmi les compétences clés : les capteurs, l’électronique de puissance, l’architecture réseaux, les logiciels de simulation, les réseaux de communication et les systèmes d’exploitation temps réel.
Formation continue
Les grands acteurs de l’énergie tels que EDF, Enedis, Engie ou RTE assurent la formation de leurs salariés par la voie de formations ad-hoc proposées par les organismes de formation internes à ces entreprises. Le problème pour ces entreprises se pose en revanche pour la formation de leurs sous-traitants. Pour répondre à ces besoins de formation des sous-traitants des grands groupes industriels, des initiatives se sont mises en place en partenariat avec des organismes de formation et des pôles de compétitivité, ce qui a notamment donné lieu à la Smart Grids France Academy co-organisée par l’interpole Smart Grids France et Think Smartgrids.
Bibliothèque de l’Ecole des Ponts & Chaussées ParisTech – Crédit photo : Ecole des Ponts ParisTech en CC
Un MOOC pour comprendre l’impact des nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie
Grenoble Ecole de Management, le pôle de compétitivité Tenerrdis, en partenariat avec Air Liquide, CNR, General Electric, Grenoble INP-Ense3 se sont regroupés pour créer le MOOC « New Energy Technologies ».
Gratuit et dispensé en anglais (sous-titré anglais et français), ce MOOC permet aux participants d’analyser et d’évaluer l’impact des nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie et de mieux comprendre les enjeux du secteur des énergies renouvelables. Ce MOOC s’adresse à la fois à un public de professionnels du secteur de l’énergie et aux étudiants. Il bénéficie du soutien de Think Smartgrids.
Recensement des formations aux Smart Grids (premiers résultats)
La Commission Formation de Think Smartgrids a entrepris de recenser les formations en lien avec les réseaux intelligents, qu’il s’agisse de Formation initiale, continue ou par alternance.
Ce recensement couvre l’ensemble des niveaux : des BTS et licences pros jusqu’aux mastères spécialisés. Il détaille les thèmes abordés et les enseignements dispensés dans chacune des formations.
Cette enquête repose sur un questionnaire adressé aux responsables des formations concernées.
A ce jour, Think Smartgrids a identifié et documenté 29 formations : trois de niveau Bac+2, quatre Bac+3, seize Bac+5 et cinq Bac+6.
Parmi ces 29 formations, 15 poursuivent des finalités métiers à dominante client/marché. 10 d’entre elles sont plutôt orientées vers les métiers de l’exploitation, 24 vers l’ingénierie et le développement et 16 vers les métiers de la maintenance.
La répartition du total des heures de cours des 29 formations se répartit comme suit :
Ce recensement vise deux objectifs :
- Avoir une meilleure visibilité de l’offre de formation pour les étudiants, les organismes d’enseignement et les entreprises du secteur.
- Trouver la formation la plus adaptée au parcours d’un étudiant ou à la problématique d’une entreprise.
Nous invitons les responsables de formations à ajouter leur formation au travers du formulaire disponible à cette adresse.
Entretien avec Nadia Maïzi
Nadia Maïzi est Présidente de la Commission formation de Think Smartgrids et Professeur et Directrice de Laboratoire de Recherche chez MINES ParisTech. Elle a réalisé une cartographie des formations Smart Grids en France et étudie les besoins de compétences Smart Grids des membres de l’association.
La filière Smart Grids française prévoit la création de 10 000 emplois d’ici à 2025. Cela représente environ 1 000 nouveaux emplois par an. Quels sont les secteurs d’activité les plus touchés par ce besoin ?
Nadia Maïzi (N.M.) : Le périmètre des emplois Smart Grids est très large. En témoigne la grande variété d’acteurs présents dans l’association Think Smartgrids : constructeurs d’équipements, acteurs des réseaux électriques, acteurs du numérique, startups, … Les Smart Grids drainent toute une série d’activités : des fabricants de batteries aux constructeurs automobiles.
Ces emplois seront-ils des évolutions de métiers existant ou la création de nouveaux métiers ?
N.M. : Les deux. Des métiers existants vont évoluer pour s’adapter aux nouveaux matériels, pour prendre en compte les avancées technologiques et les nouveaux usages. De nouveaux métiers verront aussi le jour : ils comprendront une forte capacité à travailler directement avec les consommateurs, qui avec l’inversion des flux, deviendront progressivement des consomm’acteurs. Vont aussi émerger des métiers liés au droit avec les nouvelles législations relatives aux données, ou les métiers liés à l’économie et aux nouveaux modèles d’affaires.
Pourriez-vous qualifier avec plus de précision les compétences nouvelles nécessaires à ces nouveaux métiers ?
N.M. : La Commission Formation de Think Smartgrids a engagé un travail de cartographie des compétences requises. Ce qui se dégage à ce stade, c’est d’abord un retour fort aux fondamentaux : l’électrotechnique, le génie électrique, l’électronique. Les futurs salariés devront à la fois disposer de solides bases dans les disciplines relatives à l’énergie mais aussi en informatique et en télécom. Les Smart Grids appellent aussi des compétences plus sociologiques, pour comprendre les attentes, mais aussi les comportements des consommateurs.
L’offre actuelle de formation est-elle en mesure de répondre à ces besoins ?
N.M. : Il est difficile de distinguer ce qui relève des Smart Grids et ce qui n’en relève pas. Tout le monde met beaucoup de choses derrière ce terme, et pas nécessairement les mêmes. Ce que l’on sait, c’est que la capacité à évoluer dans un nouveau monde en perpétuel changement où les technologies de l’information sont omniprésentes sera une des clés. Et ce à tous les niveaux de formation : Bac pro, BTS, licences pros, diplômes d’ingénieur. La filière dispose déjà de formations de qualité pouvant répondre à ce besoin et en volume suffisant. Ce qui est en revanche nécessaire aujourd’hui, c’est un grand effort d’articulation et de visibilité autour de ces formations.
L’intérêt des étudiants pour les disciplines fondamentales de l’énergie reste faible. Le mariage de l’énergie et du numérique et la transition énergétique sont des leviers pour redorer le blason des formations en énergie et les rendre plus attractives. Si le caractère innovant et vertueux des Smart Grids attire les étudiants, certains d’entre eux butent sur la nécessité d’acquérir des compétences pointues en énergie, avec tout ce que cela comporte en termes de complexité. C’est aussi une des spécificités des formations françaises classiques qui commencent par enseigner les matières théoriques réputées difficiles, pour ensuite passer à la mise en pratique. Cette formule sera sans doute amenée à évoluer mais cela dépasse évidemment le cadre de notre discussion.
Les grands acteurs de l’énergie consacrent traditionnellement des moyens importants à la formation continue de leurs salariés en interne. Quelle pourrait être la contribution respective des formations internes et celle des formations initiales ?
N.M. : Effectivement, les grandes structures comme Enedis ou RTE savent recruter des ingénieurs généralistes et les former progressivement aux problématiques des Smart Grids. En revanche, pour les métiers liés au contact direct avec le client, de la conception de services, à l’invention de modèles d’affaires, ces structures ne pourront pas pourvoir l’ensemble de leurs besoins sans l’apparition de nouvelles formations initiales.
Le déploiement des prototypes et des démonstrateurs a mis en relief une difficulté à anticiper les attentes des consommateurs, notamment quand il s’agit de recruter des bénévoles pour les expérimentations. Ce retour d’expérience montre qu’il est nécessaire d’enseigner aux jeunes diplômés de nouvelles compétences comme par exemple en sociologie, en économie, en gestion ou en droit.
Que pensez-vous des formations disponibles à l’heure actuelle ?
N.M. : Plusieurs formations centrées sur les Smart Grids ont vu le jour. Il faut cependant rester prudent : les thématiques liées aux Smart Grids évoluent en permanence. Il est peut-être risqué de trop spécialiser les formations. Prenons l’exemple du véhicule électrique. Son essor reste malheureusement encore incertain. Des formations trop étroites sur ce type de domaines comportent un risque pour leurs étudiants. Il serait plus avisé d’aborder ce type de thématiques avec une approche plus générique, comme au travers de l’ensemble de la mobilité ou de la gestion des nouveaux usages de l’énergie. Il faut sortir d’un schéma où on se forme à 25 ans et raisonner en termes de formation tout au long de la vie.
Que préconise la Commission Formation de Think Smartgrids ?
N.M. : Le plan d’action de la filière française des Smart Grids est le seul de la Nouvelle France Industrielle à avoir considéré la formation comme un élément clé de sa dynamisation et de sa pérennisation. C’est un signal fort des industriels. Pour faire face aux géants du numérique, les acteurs de l’énergie vont devoir recruter des ingénieurs en informatique et en télécom. A la différence des ingénieurs en génie électrique, qui ont une approche purement fonctionnelle, les informaticiens raisonnement plus naturellement en termes de design, de test, de validation ou d’analytics. Ce que nous préconisons est très clair. Le triptyque énergie, numérique et sociétal devra être au coeur de toutes les formations Smart Grids. Les trois sujets doivent absolument être couverts et avec une volumétrie équilibrée.
Ces enseignements doivent garantir la bonne assimilation de fondamentaux dans les trois disciplines, tout en inculquant l’état d’esprit et les compétences nécessaires à une montée en compétence rapide et régulière sur de nombreux sujets de pointe. Think Smartgrids travaille d’ailleurs actuellement à la mise en place d’un système de validation ou de labellisation des formations qui répondent à ce critère. Cette validation donnant lieu à un partenariat privilégié, qui se traduira par des offres de stages, des tutorats et des financements de thèses proposés par nos partenaires industriels.
ITEMS International pour ThinkSmartgrids
Références
APEC :
CEREQ :
Transition écologique, quelles perspectives pour l’emploi et la formation ? (2015)
Les réseaux électriques intelligents : de nouvelles pratiques durables, de nouvelles perspectives pour l’emploi et la formation (Etude en cours)
Eurogroup consulting :
Comment se préparer aux métiers de demain dans le secteur de l’énergie ? (2013)
Institut Régional de Formation à l’Environnement et au Développement Durable (IRFEDD) de Provence-Alpes-Côte d’Azur :
Les réseaux intelligents au service du mix énergétique (2015)
Manpower :
Smart grids (1/2) : révolution des métiers, cas d’école (2014)
Smart grids (2/2) : quand l’innovation de rupture appelle l’innovation RH (2014)
Ministère de l’Environnement, De l’Energie et de la Mer :
Zoom sur les métiers de l’électricité (janvier 2015)