L‘Ademe a publié récemment un bilan des démonstrateurs Smart Grids qu’elle avait soutenu dans le cadre des Investissements d’Avenir. Maîtrise et de gestion de l’énergie, insertion de la production renouvelable décentralisée, anticipation de l’évolution des réseaux existants, préfiguration des nouveaux modèles d’affaires… Sur chacun de ces enjeux, les enseignements sont positifs et « permettent d’envisager de nouvelles avancées et un déploiement plus large ».
Des panneaux solaires et une éolienne – Crédit photo : Ed Suominen
L’Ademe a soutenu depuis 2009, 20 projets de démonstrateurs. En octobre dernier, elle a rendu public un premier bilan des retours des 12 projets les plus avancés.
Ces projets avaient pour objectif de valider techniquement et tester en conditions réelles les solutions pour identifier les leviers d’un déploiement réussi. Il s’agissait aussi de lever des verrous technologiques, économiques et/ou sociaux autour de quatre thématiques :
- Favoriser des actions de maîtrise de la demande et de gestion de l’énergie.
- Faciliter l’insertion de la production renouvelable décentralisée.
- Anticiper l’évolution des réseaux existants.
- Préfigurer les modèles d’affaires des solutions Smart Grids.
Ce bilan a été réalisé par l’intermédiaire d’un questionnaire aux porteurs de projets.
Synoptique des 20 projets soutenus par l’ADEME dans le cadre du PIA – ADEME 2016
Maîtrise de la demande : vers une culture de l’énergie chez les consommateurs
L’un des enjeux des démonstrateurs était de faire appel à l’intelligence des consommateurs en leur apportant des informations sur leur consommation d’électricité, première étape vers une « culture de l’énergie ».
Il ressort de ce bilan que les économies d’énergie induites par l’information des consommateurs s’échelonnent entre 1 à 10 % selon l’ambition du dispositif mis en place. L’information du consommateur est plus efficace et durable si ce dernier est « accompagné et conseillé ».
Ainsi, « la notion de puissance appelée, et des contraintes qu’elle peut générer sur le réseau lors de pics de consommation par exemple, est encore peu connue des consommateurs, dans le secteur résidentiel comme tertiaire. Cela a notamment pour conséquence de rendre peu compréhensible les fonctionnalités de pilotage de la demande (ou effacement), généralement confondue avec la Maîtrise de la demande en énergie (MDE), qui concerne la baisse plus globale de la consommation d’énergie ».
L’Ademe observe que « les solutions de pilotage de la demande s’avèrent d’autant plus acceptables par les consommateurs si elles cumulent des fonctionnalités de MDE (affichages, comparaison…). Dans cette optique, ajoute l’Ademe, « les éventuels futurs appels d’offres visant le développement de l’effacement dans le secteur résidentiel devraient inclure une obligation d’information / sensibilisation / accompagnement du consommateur sur sa consommation d’électricité pour favoriser la MDE et la rentabilisation des installations d’effacement ».
Concernant l’effacement diffus, « les premiers résultats des projets montrent que le report de consommation est en théorie de 100 % de la consommation effacée s’il n’y a pas perte de confort ». Dans les faits, le report se situe généralement entre 40 et 70 % pour le chauffage en raison d’une meilleure utilisation des apports de chaleur externes ou d’une réduction de la température à l’intérieur du bâtiment. Le gisement de puissance effaçable par foyer serait ainsi d’environ 1 kW, en raison du foisonnement des usages à l’intérieur du logement.
Selon l’Ademe, le maintien et l’émergence d’opérateurs d’effacement actifs également sur le marché de l’équilibrage « permettront de répondre au besoin probablement plus fort en moyens d’ajustement dans les prochaines années. En effet, à titre d’exemple, à partir de 2020, l’erreur de prévision sur l’éolien pourrait devenir supérieure à celle de la demande ».
Insertion des EnR : vers le stockage de l’énergie
Il se dégage des projets étudiés que « des technologies comme l’écrêtement de production (limitation de la puissance injectée sur le réseau), l’amélioration de la connaissance de l’état local du réseau (observabilité du réseau de distribution) et la modernisation de la régulation de la tension (réglage plus fin de la tension), devraient permettre d’accroître significativement les puissances EnR raccordables ».
Dès lors, il conviendrait selon l’Ademe, de « mettre en place un cadre réglementaire pour valoriser économiquement les écrêtements de production consentis par les producteurs EnR ».
Autre enseignement, le stockage peut intervenir à différents niveaux, en mode multiservice auprès du réseau de transport, du réseau de distribution, du producteur EnR ou du consommateur. Par sa flexibilité, il favorise donc l’insertion des EnR.
« Au vu des conditions actuelles (notamment du prix sur le marché de l’électricité), ajoute l’Ademe, aucun projet n’a à ce stade permis de faire émerger un modèle d’affaires évident pour un moyen de stockage dans l’optique d’une mise en œuvre immédiate. La question de la valorisation de l’installation de stockage et de la création d’un statut d’opérateur de stockage est donc indispensable à son développement, le stockage étant à la croisée des chemins en tant que brique de flexibilité ».
Evolution des réseaux : validation des briques technologiques avant déploiement
Les projets ont permis de valider le caractère industrialisable et mature de plusieurs briques technologiques pour moderniser les réseaux : le mini-Poste de Contrôle Commande Numérique (PCCN), différents types de capteurs de tension et de courant servant à la mesure ou à la détection de défauts, les transformateurs régleurs en charge pilotés permettant d’ajuster plus finement les niveaux de tension sur le réseau, les disjoncteurs automatisés et les systèmes de stockage de taille importante (de l’ordre du MW).
Par ailleurs, des systèmes d’information prenant localement en compte l’état des réseaux en temps réel et l’intégration des nouveaux dispositifs aux outils de gestion, d’échange d’informations et de planification du gestionnaire de réseau, devraient permettre de gérer les réseaux « de manière plus dynamique, plus proche des limites du système ».
Dans le planning de déploiement, il faudra, estime l’Ademe, prendre en compte le fait que « certaines technologies de stockage stationnaire centralisé peuvent demander de réaliser une déclaration Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) ».
Modèles d’affaires : des verrous à lever pour assurer le déploiement des Smart Grids
Les projets ont permis « de clarifier les conditions économiques et réglementaires nécessaires au déploiement des smart grids ».
S’agissant de l’activité régulée des gestionnaires de réseaux, qui assurent une mission de service public, l’Ademe estime que « les technologies pourront se déployer dès lors que l’on parvient à démontrer leurs bénéfices pour la collectivité et leur caractère industriel, les exigences de maturité et de fiabilité des technologies étant importantes du point de vue des gestionnaires de réseaux pour des raisons d’obligation de qualité de service ».
Pour le secteur dérégulé et ouvert à la concurrence, notamment sur l’aval compteur, « les conditions de déploiement sont beaucoup plus difficiles à définir, avec des cas de figure assez divers selon les solutions considérées et encore beaucoup d’incertitudes liées notamment à la valorisation économique des solutions ».
A court terme cependant, l’Ademe conclut que « de nombreux produits ou services développés dans le cadre des démonstrateurs devraient toutefois trouver un marché en lien avec les évolutions du cadre réglementaire discutées ces dernières années et dont la mise en œuvre a ou va commencer ».
ITEMS International pour Think Smartgrids
Sources : Rapport Systèmes Electriques Intelligents : premiers résultats des démonstrateurs